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Interview de Philippe Redois, Spécialiste de l’Assainissement par Filtres Roseaux Plantés

photo Ph.Redois

Bonjour, Philippe Redois, 52 ans.

J’ai connu Bâtir Sain en juin 2008, grâce à Joséfa Pricoupencko lors d’un stage organisé par Maisons Paysannes de France, animé par Jean-Pierre Oliva. Dans la vision que j’ai de l’écologie et de son application dans le quotidien, je me reconnais dans Bâtir sain, par le mot clef sain : je relie ainsi l’espace de la maison à sa fonction d’origine, celle de protéger et de contribuer à la santé de ses habitants ; j’ai adhéré pour soutenir le réseau.

Autodidacte, j’ai débuté par des études commerciales, puis j’ai ouvert une librairie spécialisée dans l’enfance à Nantes. J’ai œuvré en 1998 à la restauration complète d’un corps de ferme de 450m² sur deux niveaux, sur un terrain de 2 ha dans les Charentes, et à la réalisation de mon premier assainissement en 2001. J’étais auto-constructeur de ce lieu expérimental et de recherche écologique ouvert au public d’une capacité d’accueil de 20 personnes. J’ai été concepteur de la 1ère toilette sèche bio-maîtrisée commercialisée en France en 2003, modèle aux formes arrondies et construit pour être transportable.

Accompagner l’étude d’un projet de filtre roseaux plantés jusqu’à sa réalisation

En 2003, j’ai créé un bureau d’études sur la gestion de l’eau dans l’habitat, que j’ai conduit seul pendant 6 ans, puis avec un salarié pendant 3 ans. Depuis 2012, je gère de nouveau mon activité seul, en réseau avec d’autres professionnels. Je fais le lien entre l’eau et l’habitat afin qu’ils soient facteurs de santé. Egalement artisan, j’ai deux missions principales : assurer l’accompagnement de la rédaction de l’étude jusqu’à la réalisation, et informer et transmettre mon savoir-faire par des conférences et des séminaires de formation.

De 2003 à 2011, soit pendant huit ans, j’ai exercé sur toute la France pour accompagner des particuliers et des entreprises dans l’installation d’assainissements par filtres roseaux plantés, depuis l’étude de faisabilité jusqu’à la réalisation, quelque soit le nombre d’Equivalent-Habitant (EH) concerné par le projet.

Depuis 2012, l’activité liée aux assainissements, autorisée jusqu’à lors par des dérogations pour les projets inférieurs à 20 EH, et des contrats tripartites entre les SPANC (Services Publiques d’Assainissement Non Collectif) et les mairies, ne peut plus s’exercer sans agrément pour des projets inférieurs à 20 EH. A ce jour, deux entreprises ont reçu l’agrément pour 4-5 Équivalent Habitant. Cet agrément exige un investissement financier élevé : pour chaque tranche de 4EH, il faut débourser 70 000 euros, et la validation tient compte d’une période d’expérimentation de 4 ans. La proposition d’un assainissement par filtres roseaux plantés pour moins de 20 EH impose un agrément aux professionnels sous réserve qu’ils aient aussi suivi la formation diplômante à l’assainissement non collectif proposée par l’IFECO (Institut de Formation Professionnel à l’Eco-Construction) ; j’ai suivi cette formation en 2012. Dans cette loi, il n’existe à ce jour ni une reconnaissance des installations existantes ni une validation des acquis des professionnels reconnus et exerçant comme moi, avec à mon actif depuis 2003 18 réalisations toujours en fonctionnement, où il est même possible de contrôler les effluents à la sortie, bien que ce dernier point ne soit pas inscrit dans la réglementation ; je ne peux pas aujourd’hui exercer sur des projets de moins de 20EH.

Au-dessus de 20 EH, la règlementation m’autorise à réaliser un système d’assainissement par filtres roseaux plantés, sous couvert d’une étude de faisabilité, réalisée par un bureau d’études. J’ai réalisé près de 141 études qui m’ont permis de soutenir des projets d’assainissement, pour la majeure partie réalisés en auto-construction. Sont concernés les campings, les gîtes, les chambres d’hôtes … ; les viticulteurs pour les effluents des caves ; les éleveurs ; les laiteries pour les effluents de lactosérum... Sur le marché des communes qui fonctionnent par appel d’offres, d’une part, le montage du dossier exige une disponibilité, car le nombre de pièces administratives à compléter et à fournir est important, et d’autre part, je suis en concurrence avec des entreprises comme Véolia, la Saur, la Lyonnaise des Eaux … Les villes sont souvent engagées avec Véolia sur la gestion des ordures ménagères, le tri ... Véolia est non seulement vendeur de solutions de traitements des eaux et aussi partie prenante des SPANC, organismes d’Etat, qui contrôlent la qualité des eaux traitées : la question du conflit d’intérêt se pose.

Dans leurs solutions, les entreprises et notamment la SAUR, utilisent un système avec une technologie contenant du plastique, du PVC, argumentant que le plastique facilite l’épuration, alors que du fait de la présence de nombreux additifs dans sa fabrication, et du passage dans l’eau de ces substances, le PVC n’est pas un matériau sain, répondant aux critères protecteurs de la santé.

Pour information :

Le Chlorure de PolyVinyle (PVC) est produit à partir de pétrole ainsi que de chlorure de sodium et nécessite l’ajout d’une cinquantaine d’additifs chimiques pour être stabilisé. Sa fabrication est assez complexe et pose de nombreux problèmes car le chlorure de Polyvinyle est cancérigène. Certains additifs ajoutés sont eux aussi des substances toxiques comme le plomb ou le cadmium. Ces additifs s’échappent du PVC lors de son utilisation, mais aussi lors de son élimination.

Suède (avril 1999) : Adoption d’une nouvelle stratégie concernant les substances chimiques. Cette stratégie inclut des échéances pour l’abandon de plusieurs additifs du PVC (plomb, paraffines chlorées, phtalates et autres plastifiants, stabilisants staniques) et l’interdiction des phtalates dans les jouets destinés aux enfants de moins de trois ans.

Danemark (juin 1999) : Adoption d’une stratégie concernant le PVC. L’objectif de cette stratégie est de limiter l’incinération de PVC et comprend un plan d’action pour la réduction et l’abandon des phtalates pour les plastiques souples, une interdiction des stabilisants au plomb, le remplacement des produits contenant du PVC qui sont difficiles à séparer des flux des déchets courants et des mesures strictes pour empêcher la réutilisation des déchets de PVC pour fabriquer des produits de qualité inférieure.

Allemagne (juin 1999) : Recommandations de l’Agence pour la Protection de l’Environnement (EPA) allemande concernant le PVC. L’EPA allemande a mené une étude sur le PVC dans la perspective d’une politique des matériaux durables. Elle a indiqué un certain nombre de cas où une action était nécessaire, c’est-à-dire un abandon progressif du PVC souple, l’interdiction de la mise en décharge du PVC, l’interdiction de répandre des substances dangereuses par le biais du recyclage, l’abandon du cadmium et du plomb, et l’utilisation de matériaux sans chlore dans les zones où existe des risque d’incendies.

Slovaquie (mai 2001) : Interdiction totale des produits en PVC, y compris les emballages. Entrée en vigueur : 1er janvier 2008.

Dans mes projets, je tiens compte de la qualité des matériaux : chaux pour la maçonnerie, caoutchouc EPDM (issu du latex) pour les bâches. Mes projets ont également une dimension esthétique. Je conçois l’assainissement comme une valorisation de l’eau et du jardin. Dans certaines configurations de terrain (dénivelé insuffisant …), il peut être nécessaire d’installer un poste de relevage qui va servir à faire passer l’eau vers des niveaux plus hauts ; ce système fait appel à de l’ingénierie classique.

Je propose aussi des solutions optimales de récupération de l’eau de pluie jusqu’à la potabilité.

L’habitat

Fort de mon expérience en Charente et à Bourges en terme de rénovation avec des matériaux sains, j’accompagne les particuliers notamment dans leur projet d’isolation, d’embellissement par des enduits à la chaux. Je continue de me former auprès des professionnels du bâtiment. En 2009, j’ai débuté une formation professionnelle de 3 ans avec Rémi Florian, auteur de « Médecin des Murs » et fondateur de Bio-Espace sur le thème : HQE et biologie de l’habitat (BDH). Je suis devenu adhérent du réseau Bio-Espace, écologie et habitat.

Membre de la CAPEB de Bourges et anciennement au CA de la CNATP (Syndicat Professionnel du Paysage), je suis la formation FEE-bat, (3 modules) « Connaître, Maîtriser et Mettre en œuvre les Groupes de Technologies Performantes d’Amélioration Energétiques des Bâtiments » dont « Isolation des Parois Opaques et Plancher Bas » : ainsi je suis reconnu comme Eco-artisan.
Par l’ARFAB (Association Régionale de Formation pour l’Artisanat du Bâtiment), j’ai obtenu les certifications spécialisées suivantes :

– Isolation thermique extérieure ;

– Contrôle thermographique, infographique et bâtiments ;

– Handicap et professionnels du bâtiment ;

– Immeubles collectifs et ouverts au public, voirie et professionnels du bâtiment ;

– Savoir répondre aux marchés publics de travaux de bâtiment ;

– Vérifier les échafaudages fixes et mobiles ;

– Isolation pour l’extérieur avec finitions bardage rapporté ;

– Toitures végétalisées.

Je dispose de la certification à la construction paille dans le cadre des Règles Professionnelles CP2012, avec le Réseau Français de la Construction Paille (RFCP).

Je suis habilité depuis 2012 par l’Institut Universitaire des Métiers et du Patrimoine par un certificat d’identité professionnel (CIP) Patrimoine.

Informer et transmettre mon savoir-faire

J’ai à cœur de partager mes découvertes, expériences, notamment dans le domaine de l’écologie appliquée à notre quotidien et plus précisément ce qui touche à l’habitat (notre « deuxième peau ») et à l’eau (sans eau, la vie sur la planète n’existe pas). Je propose mes prestations aux artisans, aux pouvoirs publics, aux entreprises, aux associations, aux collectivités locales. Le champ de ma transmission balaie aussi bien la partie technique, juridique, économique (les sources de financement...), la mise en œuvre, que la dimension humaine, santé, et esthétique. Quand bien même notre environnement économique ne semble guère favorable à l’artisanat (hausse de 3 % de la TVA), même si les orientations gouvernementales sont peu en faveur de mon activité, même si aujourd’hui le développement économique tient peu compte de l’environnement, je reste porté par l’espoir qu’étant assis sur une planète que nous détruisons, il viendra un jour où l’argent ne servira plus à rien. J’aime à citer la sagesse amérindienne de Sitting Bull : « Lorsque la dernière goutte d’eau sera polluée, le dernier animal chassé et le dernier arbre coupé, l’homme blanc comprendra que l’argent ne se mange pas ».

Qu’est-ce qu’un matériau écologique ?

Un matériau écologique est un matériau recyclable, biodégradable à 100 % et naturel. Un matériau naturel peut être le bois, la paille, le lin, le liège, la pierre, des composés naturels, comme la chaux, sans adjuvants artificiels souvent issus de la pétrochimie. La labellisation actuelle des matériaux écologiques ne répond pas à des critères énergétiques et n’implique pas de critères liés à la santé. La démarche HQE, le label BBC ne sont pas des garanties suffisantes, car ces cadres s’attachent principalement aux performances énergétiques.

J’ai à cœur d’utiliser la chaux naturelle (sans adjuvant chimique), et je fais référence aux matériaux nobles de la tradition des bâtisseurs, comme la terre, le pisé, le bois, la chaux, la pierre. Une éco-construction doit selon moi être réalisée à base de ces matériaux, sachant qu’avec ces matériaux on peut allier performance énergétique et qualités sanitaires, et environnementales, de par leur faible impact dans la fabrication, de leur origine géographique et le recyclage de leur impact sur la nature.

Pourquoi m’être engagé dans l’écologie ?

Le facteur déclenchant a été dans les années 90 de découvrir autour de moi de plus en plus de gens malades, dont des cancers, qui même si mieux soignés, sont de plus en plus nombreux. J’ai alors pris conscience qu’il fallait que je fasse de la prévention, et j’ai commencé par moi.

Ma plus grande fierté ou ma plus grande réussite

De savoir rester clair dans mon développement d’entreprise, à contre-courant du développement économique de notre société, portée par les valeurs de l’argent, de ne poser que des matériaux sains, de rester fidèle à mes convictions profondes, quoiqu’il arrive.

Mon engagement politique

Coordinateur de la campagne présidentielle de Pierre Rabhi en 2002, puis en 2004, j’ai été élu conseiller municipal à Deviat en Charente, sans étiquette, simplement porté par mes valeurs de l’écologie humaine ; j’ai institué la première commission écologie dans cette commune. Je mène toujours une activité politique aujourd’hui, sous la couleur d’Europe Écologie Les Verts, mouvement politique dont je me sens proche, en cohérence, c’est un autre chemin « pour semer des graines ». En 2013, le projet d’Europe Ecologie les Verts est représenté dans 60 communes, les départements (54 conseillers généraux), les régions (247 conseillers régionaux soit 1/3), à l’assemblée nationale (16 députés), au Sénat (12), deux ministres et 15 députés européens.

Ce que je pense de Bâtir Sain et ce que j’aimerais qu’il m’apporte

Mes échanges avec Bâtir Sain ont toujours eu lieu par mail. Quand j’ai adhéré, c’était pour soutenir le réseau, et par amitié pour Joséfa Pricoupenko. Je souligne que les réunions proposées ont lieu sur Paris : je préfère agir localement. Je serais partant pour être actif si des événements sont organisés près de chez moi, en Région Centre. Je pourrais accepter, sur proposition, d’intervenir pour une conférence ou une formation sur Paris.

Philippe Redois, Spécialiste de l’Assainissement par Filtres Roseaux Plantés : coordonnées

 

Tapoté le 23 juillet 2013
par Bérengère
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